Que vaut l’adaptation du jeu vidéo « Like a Dragon : Yakuza » sur Prime Video ? (2024)

Pour tous ceux qui suivent l'actualité du jeu vidéo, la franchise des jeux Yakuza, désormais appelés Like a Dragon, est peu à peu devenue, en vingt ans et presque autant d'épisodes, un incontournable de la scène vidéoludique japonaise, puis internationale. À l'origine beat them all agrémenté de quelques éléments de RPG, les Yakuza ont toujours eu la particularité de s'appuyer sur une narration très développée.

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En tirer la matière pour une série semblait donc une bonne idée: il n'y avait qu'à piocher pour en sortir des dramas policiers à la pelle. Takashi Miike s'y était d'ailleurs déjà essayé au cinéma, dès 2007, avec Yakuza: l'Ordre du dragon, mais s'y était cassé les dents, le résultat ne contentant pas grand monde. Peut-être le format sériel était-il mieux adapté à ce type de grande saga criminelle? Malheureusement, Like a Dragon: Yakuza, dont les trois premiers épisodes sont disponibles sur Prime Video ce jeudi 23octobre, est lui aussi obligé de faire des choix drastiques, tournant le dos à l'humour loufoque des jeux originaux et proposant des scènes d'action en demi-teinte, pour se concentrer quasi exclusivement sur la peinture psychologique des personnages et sur un mélodrame poussif et peu inspiré.

Un drame policier, mais surtout psychologique et humain

Tout avait pourtant bien commencé.Like a Dragon: Yakuza choisit en effet de se limiter en grande partie aux événements du premier jeu de la franchise, avec quelques emprunts seulement aux suivants. L'intrigue, partagée entre deux temporalités, s'avère largement assez embrouillée comme cela. En 1995, quatre jeunes orphelins entreprennent de braquer une salle de jeux d'arcade locale, ignorant que celle-ci appartient au clan Dojima, la puissante organisation de yakuzas qui contrôle le quartier de Kamurocho, qui demande aussitôt réparation. Kazuma Kiryu (Ryoma Takeuchi) est ainsi contraint de prendre part à des combats clandestins, ses amies Yumi et Miho se retrouvent hôtesses dans une boîte de nuit, tandis que Nishiki (Kento Kaku) entre au service du clan.

Dix ans plus tard, en 2005, ce dernier n'est devenu rien moins que chef du clan Tojo. De son côté, Kiryu sort de prison pour tomber aussitôt en plein sac de nœuds: la sœur de son ami d'enfance Yumi, Aiko, vient en effet de dérober10milliards de yens à l'Alliance Omi, la plus grande organisation yakuza du Japon, déclenchant une véritable guerre des clans, tandis que fait son apparition un mystérieux autant que sanguinaire «Diable de Shinjuku», lui aussi sur la trace de l'argent sale volé.

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La série utilise cette trame comme le prétexte à une succession de scènes mélodramatiques qui se voudraient poignantes, mais sont surtout beaucoup trop confuses et diluées pour prendre le spectateur aux tripes. Tout d'abord conçu comme un film, Like a Dragon: Yakuza peine à remplir ses six petits épisodes (entre trois quarts d'heure et une heure). Les événements s'y précipitent soudain entre deux longues plages d'ennui, la faute à l'accent mis en permanence sur l'intensité des sentiments, au détriment de la peinture du contexte ou même de la clarté des faits et des actions. La réalisation somme toute correcte de Masaharu Take (The Naked Director) ne suffit pas à retenir l'attention: le temps passe tout simplement bien trop lentement dans Like a Dragon: Yakuza. Face à sa transposition sur le petit écran, il est bien difficile de retrouver le plaisir ressenti en jouant aux jeux vidéo.

Une série finalement très éloignée des jeux vidéo dont elle s'inspire

Que vaut l’adaptation du jeu vidéo «Like a Dragon: Yakuza» sur Prime Video? (1)

Les jeux Yakuza sont en effet bien plus que l'histoire qu'ils racontent. Sans même parler de son gameplay en lui-même, toujours très plaisant, qu'il tende plus vers l'action pure ou vers le RPG, la franchise est connue autant pour ses ruptures de ton, son humour décalé et loufoque, ses excentricités typiquement japonaises, que pour avoir transformé le quartier imaginaire de Kamurocho, inspiré du quartier Kabukicho de Shinjuku à Tokyo, en véritable terrain de jeux, voire en fête foraine, multipliant les mini-jeux extraordinairement inventifs tout en recréant à la perfection l'ambiance du quartier. Tout cela en respectant un équilibre précaire entre réalisme (du cadre et du contexte), légère idéalisation (les yakuzas au grand cœur et l'honneur chevillé au corps ne courent pas les rues, dans la vraie vie) et franc délire ludique.

À DécouvrirQue vaut l’adaptation du jeu vidéo «Like a Dragon: Yakuza» sur Prime Video? (2)Le Kangourou du jourRépondreRien de tout cela, hélas, dans Like a Dragon: Yakuza, l'humour, pourtant bien utile pour s'attacher aux personnages et pour créer des poches de respiration bienvenues entre deux moments de tension, est aux abonnés absents. Les scènes d'action sont davantage des éclats de violence pure, sans même de dimension spectaculaire ou ludique. Elles sont d'ailleurs peu nombreuses, et dépourvues de la moindre intensité, tout du moins jusqu'au dernier épisode et à la confrontation entre Kiryu et le «Diable de Shinjuku», point d'orgue tardif de la série. Seules sont conservées, semble-t-il, les cinématiques verbeuses qui déroulent le scénario du jeu, à la différence que celles-ci pouvaient, d'un appui sur une touche, être accélérées ou tout simplement passées. La thématique générale de la série, elle, est assez claire: c'est celle de la famille, réelle (tout le monde dans les Yakuza est fils et fille, frère ou sœur, adoptifs ou non, cachés ou non, de quelqu'un d'autre), choisie (l'amitié entre les orphelins) ou construite et subie (les rapports hiérarchiques entre yakuzas). Intéressant, mais hélas insuffisant.

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Il est à noter qu'en 2007, au cinéma, Takashi Miike avait fait des choix très différents à partir du même matériau de base: son film tentait de conserver une partie de l'humour et des combats quasiment surnaturels du jeu, et se concentrait sur la rivalité entre Kiryu et le yakuza Goro Majima, très en retrait dans la série. Celle-ci préfère mettre en avant les relations entre Kiryu et ses amis d'enfance, en particulier Nishiki. Que cette nouvelle interprétation au format série soit si éloignée de celle de Miike, cela prouve la grande richesse formelle et thématique de la franchise de jeux. Mais impossible cependant de ne pas se rendre à l'évidence: si vous espériez retrouver les sensations et les émotions ressenties en jouant à un jeu Yakuza, vous serez très certainement déçu devant Like a Dragon: Yakuza.

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Author: Dr. Pierre Goyette

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